Des textes


"J'éspère avoir retenu ainsi le chant de la mer et des oiseaux, l'aube et le jardin, subconsciemment présent, accomplissant leur tache souterraine...
Ce pourraient être des îlots de lumière, des îles dans le courant que j'essaie de représenter; la vie elle même qui s'écoule."
Les vagues, Virginia Woolf.


une autre référence: Koltès, texte lu ensemble sur la création à Tizé, août 2011.

‑‑‑‑‑ Extraits d’un entretien avec Alain Prique, Théâtre en Europe, janvier 1986. ‑‑‑‑‑

"Il y avait, sur les bords de l'Hudson River, à l'Ouest de Manhattan, un grand hangar, qui appartenait aux anciens docks. Le port de New York avait depuis longtemps été déménagé vers Brooklyn, et ce hangar, parmi d'autres, était inemployé et inutile au trafic portuaire. En 1983, le maire de New York conformément à un plan de sécurité et de moralité, fit entourer ce hangar de grandes palissades de bois, il y eut même des gardes avec des chiens. Un an après, il fut rasé et il n'en reste aujourd'hui qu'une jetée sur pilotis qui s'avance vers la mer. J'ai eu l'envie d'écrire une pièce comme on construit un hangar c'est-à-dire en bâtissant d'abord une structure, qui va des fondations jusqu'au toit, avant de savoir exactement ce qui allait y être entreposé ; un espace large et mobile une forme suffisamment solide pour pouvoir contenir d'autres formes en elle. (…)
Peu d'endroits vous donnent, comme ce hangar disparu, le sentiment de pouvoir abriter n'importe quoi – je veux dire par là : n'importe quel événement impensable ailleurs."




Il fait très bon. En arrivant ici, j’ai toujours l’impression d’avoir été engloutie par un monstre. Je m’assieds, et mes cheveux, mes sourcils et le corsage de mon uniforme ne tardent pas à s’imprégner de la chaleur ambiante et à devenir moites. Je baigne dans une humidité plus douce que la transpiration, d’où s’élève une discrète odeur de crésol.
Yoko Ogawa





Une nouvelle de Calvino à lire: la métamorphose des poissons

"Les premiers vertébrés qui, au cours du Carbonifère, abandonnèrent la vie aquatique pour la vie terrestre, dérivaient de poissons osseux à poumons, dont les nageoires pouvaient se rouler sous le corps et servir de pattes sur terre.


Désormais il était clair que les temps aquatiques étaient finis- se rappela le vieux Qfwfq-,ceux qui se décidaient à sauter le grand pas étaient chaque jour plus nombreux, il n'y avait pas une famille qui n'eût l'un de ses chers membres au sec, tout le monde racontait des choses extraordinaires sur ce qu'on pouvait faire sur la terre ferme, et on y appelait les parents. Désormais plus personne ne pouvait retenir les jeunes poissons, ils agitaient leurs nageoires sur les rives boueuses, pour voir si elles fonctionnaient en tant que pattes, ce que les plus doués avaient réussi. Mais précisément, à cette époque, les différences entre nous s'accentuaient: il y avait la famille qui vivait sur terre depuis des générations, et dont les plus jeunes rejetons exhibaient des manières qui n'étaient même plus d'amphibies, mais déjà quasiment de reptiles;et il y avait celui qui s'attardait encore à faire le poisson et qui, de ce fait, devenait plus poisson qu'on ne l'avait jamais été autrefois."


L'Oncle Aquatique, COSMICOMICS, Italo Calvino.